Chères Lectrices,
Chers Lecteurs,
Qui croire ? Que croire ? Voilà deux questions qui me reviennent continuellement à l’esprit. Je ne citerai que trois occasions où j’y ai pensé : la publication du « Rapport Sauvé », nommé d’après le président de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique, Jean-Marc Sauvé ; les « marches blanches » contre la politique sanitaire actuelle ; la crise d’un couple. Vous pourrez aisément prolonger la liste par vos propres expériences. Elles ne se limiteront pas à votre vie individuelle ou privée, mais proviendront aussi de celles de nos communautés et sociétés ainsi que de la politique.
La question du croire n’est pas uniquement une question religieuse et ne peut simplement se résoudre en refusant le croire au profit du seul savoir. Croire est un verbe ; il désigne une activité caractéristique de l’être humain. Nous devons choisir qui croire entre les nombreuses voix qui demandent notre confiance et puis ne pas nécessairement tout croire… Qui croire, que croire, ce sont des questions d’éthique, exigeant un choix responsable. Elles ne s’adressent pas seulement à l’individu mais aussi aux communautés, aux sociétés.
En même temps, nos institutions traditionnelles sont engagées dans des processus de transformation profonds, si elles ne s’effritent pas tout simplement parce qu’elles ne semblent plus dignes de confiance, comme c’est le cas pour l’Église catholique en Europe. Or les institutions contribuent aussi à gérer la pluralité des voix. Quand elles sont trop faibles ou absentes, il est bien plus difficile de faire un choix raisonné.
D’aucuns aimeraient revenir à des modèles politiques ou religieux qui réduiraient très fortement le champ du possible : l’inconnu, l’indétermination peuvent être ressentis comme de réelles menaces. D’autres aimeraient valoriser encore davantage les droits des individus : l’absence de contraintes constitue un puissant attrait pour la liberté humaine ouverte sur l’infini. Certes, ce sont des extrêmes ; il existe d’autres voix, d’autres choix pour associer libertés et responsabilités individuelles, communautaire, sociales et politiques. Et j’aimerais y contribuer.
En tant que chrétien, j’ai choisi d’être théologien et de développer une réflexion critique sur la foi, l’Église et leurs rapports à la vie, à ma vie, à nos vies. J’ai choisi de rester engagé comme prêtre pour rassembler les gens dans une communauté vivante « au nom de Dieu », cheminer avec eux, y contribuer par l’enseignement, les célébrations, toutes ces choses qui nourrissent les relations sans les figer. En tout, ne pas oublier que je suis d’abord un être humain, partageant cette condition avec les autres. La valoriser, me rappeler Tertullien : « Je suis un être humain et je considère que rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». J’espère contribuer ainsi à la transformation d’une institution à longue durée, sachant qu’elle sera différente de celle que j’ai connue et que je connais.
En tant que directeur de la LSRS, il s’agit pour moi, d’une part, de créer des espaces de rencontre entre chercheurs de différentes disciplines, origines et convictions où on cherche d’abord à savoir comment bien poser les questions, où l’on se fait confiance au point de laisser mettre en question une démarche, une réflexion, une position, où l’on partage et intègre ensuite les apports de chacun pour proposer une vision de certaines choses, digne de confiance, capables de fonder d’autres choix. Et, d’autre part, il s’agit de continuer à rassembler grâce à différents événements des personnes de tout bord politique, religieux, social ou professionnel pour s’écouter, se découvrir, chercher à se comprendre, réduire l’ignorance et la méfiance, contribuer ainsi à la confiance.
Vivre ensemble ne peut se faire sans confiance, sans que l’on sache croire. La question qui croire, que croire ne trouve sa réponse pas seulement dans des réflexions abstraites mais aussi dans des rencontres et une réflexion critique qui les accompagne.
Merci à vous, chères lectrices et chers lecteurs, de votre intérêt pour nos travaux. J’espère donc que ces quelques lignes nourriront vos réflexions et qu'elles vous donneront envie de nous rejoindre prochainement !
Pr Jean Ehret
Directeur